dimanche 18 mars 2012

À Arras, la mosquée Annour en partie rouverte aux fidèles, toujours choqués (VIDÉO)


Devant la mosquée, un silence digne a prévalu, entre deux messages réconfortants. PHOTO PASCAL BONNIÈRE

| APRÈS L'AGRESSION MORTELLE |

Vendredi soir, à Arras, deux hommes étaient agressés dans la mosquée Annour, rue Matisse, par un déséquilibré, interné d'office dans la nuit de vendredi à samedi. Un septuagénaire est mort des suites de ses blessures. L'autre est toujours dans le coma. Hier, le lieu de culte a été en partie rouvert aux fidèles, abasourdis.
Meurtre à la mosquée d'Arras : une prodonde tristesse
Il raconte sa nuit blanche, ce jeune homme en larmes, assis près d'un bac à fleurs, face à la mosquée Annour. « Dans la tête, ça cogite », dit-il. Il se repasse le film de ce vendredi tragique, qui a vu un homme, Seddik Hammoudi, en début de soirée, pénétrer dans la mosquée Annour, et agresser deux fidèles avec un bâton.
Lahcen El Haddad, 73 ans, est décédé des suites de ses blessures. L'autre homme agressé est toujours dans le coma, au CHRU de Lille. Les rumeurs de décès ont échauffé certains esprits, dans l'après-midi. Devant la mosquée, en revanche, le silence pudique était de rigueur. Les messages d'amitié aussi, émanant d'élus, ou d'un prêtre du secteur. « C'étaient des vieux ! Toujours souriants, gentils, ils ont fait du bien. Je pense à leurs petits-fils », reprend le jeune homme en pleurs.
Quand ils ont été agressés, les deux fidèles faisaient « le salut de la mosquée, explique Mohammed Messaoudi, président de l'Amicale des travailleurs et commerçants d'Arras et de la communauté urbaine, qui gère la mosquée. Ils faisaient la prière qui précédait l'ouverture de la mosquée. » Ils n'étaient que deux dans le lieu de culte.
« D'habitude, on est toujours huit ou dix devant la mosquée. Cette fois, il n'y avait personne. Si on avait su... », râle le jeune homme, horrifié à l'idée qu'un des deux fidèles agressés n'aurait pas dû être là. Il avait remplacé au pied levé un autre, retardé. Comme beaucoup, cet habitant du quartier avait repéré, vendredi après-midi, le manège de l'homme de 32 ans, qui a fait irruption dans la mosquée. « Ça durait depuis deux heures. Je l'ai vu passer plein de fois. Il était bizarre, il insultait. Il avait frappé deux gamines. Il avait une force anormale. Après l'agression, parmi ceux qui ont voulu le maîtriser, il y avait un costaud. Il n'a pas fait le poids. » Les fidèles ont entendu que l'agresseur, musulman pratiquant, a frappé sans raisonnement précis. Ni crime raciste, ni crime religieux. C'est dit. « Mais c'est quelque chose d'incompris pour beaucoup de monde », ajoute Mohammed Messaoudi.
Malgré les interrogations, les fidèles ont repris un cycle de prières. Hier après-midi, la salle des hommes, où s'est noué le drame, était toujours inaccessible. En revanche, celle des femmes a été « réquisitionnée » pour permettre aux hommes de prier, en compagnie de Khalil Merroun, recteur de la mosquée d'Évry, et de Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman : « Ce type d'acte nous rappelle notre responsabilité collective. Une personne malade doit être suivie pour être protégée contre elle-même, et pour protéger la société. La responsabilité incombe aux pouvoirs publics. » Un débat est relancé, mais pas l'enquête : aucun élément nouveau n'a été apporté, dans la mesure où l'auteur présumé des faits est interné, et n'a donc pas été entendu, selon Brigitte Lamy, procureur de la République de Béthune. La durée de l'internement est indéterminée.