dimanche 18 mars 2012

Marine Le Pen fait corps avec «l'âme corse»


Marine Le Pen, à Ajaccio ce samedi.
Marine Le Pen, à Ajaccio ce samedi. (© AFP Pascal Pochard-Casabianca)

REPORTAGEEn meeting ce samedi à Ajaccio, la candidate du Front National à la présidentielle a caressé la fibre identitaire des Corses et célébré leur «résistance contre la culture mondialiste».

Par CHRISTOPHE FORCARI Envoyé spécial à Ajaccio (Corse du sud)
Marine Le Pen adhère au Front. Celui des cagoulés insulaires, le Front National de Libération de la Corse (FLNC). En meeting de campagne dans la ville natale de Napoléon, la présidente du parti d'extrême droite a caressé, samedi après-midi, la fibre identitaire de ses partisans de l'île de Beauté. «Je voudrais m'adresser à l'âme corse. La Corse sait encore encore préserver des valeurs ancestrales et qui sont des valeurs primordiales de notre civilisation. La Corse a su préserver sa forte identité – mais pour combien de temps encore – sans sombrer dans une uniformisation culturelle mondialiste encouragée par ceux qui prétendent être nos élites intellectuelles. Je voudrais aussi m'adresser à ceux qui ont pu penser que la France était leur ennemie et qui sont entrés dans un combat fait de déchirement et de deuils. Je leur dis que tout en réprouvant la violence – viscéralement –, je peux comprendre que la déception vis-à-vis de l'Etat ait pu à un moment donné les détourner du patriotisme national. C'est une erreur. Comme tous les Français, vous avez été les témoins de la disparition des valeurs qui ont fait la France et de celles qui font la Corse. Disparition encouragée par tous les gouvernements depuis 1968. A travers la préservation de la langue et de la culture corse, vous êtes entrés en résistance contre la culture mondialiste qui méprise les us et les coutumes de nos terroirs», a lancé la patronne du Front National à l'adresse des militants indépendantistes, devant environ 500 personnes brandissant indifféremment des drapeaux tricolores ou celui de la Corse avec la tête de maure.
Celle qui veut supprimer le drapeau européen des facades de tous les édifices publics, avait également accepté à la tribune de son meeting le drapeau corse à côté de deux drapeaux français. Elle a même fait chanter à la salle, après la traditionnelle Marseillaise, le Dio vi salve regina (Dieu vous sauve, ma reine), l'hymne corse plus souvent entonné à l'issue de tous les meetings des séparatistes insulaires. Du jamais vu dans un meeting national du FN. Au passage, elle a déploré la suppression des arrêtés Miot qui permettaient à la Corse de bénéficier d'un statut fiscal dérogatoire pour les droits de successions entre autres.

Changement de discours

Dans l'assistance de cette petite salle du palais des congrès d'Ajaccio se cotoyaient aussi militants frontistes et une petite poignée de militants nationalistes purs et durs. «Ce sont eux qui taguent sur les murs I Arabi fora (les arabes dehors). Pas nous», constatait une militante à l'issue de cette réunion en face d'une petite poignée de militants nationalistes de gauche d'un mouvement quasi inconnu venus se chauffer verbalement, à la méridionale.
La présence sur l'île de la patronne du Front National n'a pas suscité les troubles que la venue du père avait provoqué en son temps. En 1992, Jean-Marie Le Pen dont l'avion à destination d'Ajaccio avait dû être détourné vers Figari suite à l'occupation des pistes par des militants nationalistes corses, n'avait même pas pu tenir meeting à Ajaccio. Une autre fois, le leader d'extrême droite n'avait même pas pu se poser.
En 2002 et 2007, il s'était contenté de réunir ses militants autour d'un déjeuner dans des hôtels, en périphérie du centre ville. Sous l'impulsion d'Olivier Martinelli, ancine chef de cabinet de Jean-Marie Le Pen, Corse d'origine et tête de liste en Corse pour les régionales de 2004, le FN, rebaptisé alors «Fiamma Corsa» a à ce moment totalement changé son discours sur la Corse. D'une défense absolue et intransigeante du jacobinisme et de la Corse dans la République, Olivier Martinelli a fait évolué ce discours vers une défense de l'identité insulaire, menacée comme celle de la France par l'Europe et une «immigration massive et in contrôlée».

«Institut national du patrimoine culturel et coutumier»

Un fil directeur qu'a déroulé tout au long de son discours la candidate à la présidence de la République pendant plus d'une heure. «Le combat national que nous menons pour pour retrouver notre souveraineté, notre liberté de peuple face à la dictature de l'Europe et des marchés, le combat pour la défense de notre identité et pour la protection du peuple français, ce combat là, nous ne le menons pas contre l'identité la langue et les spécificités corses mais avec elles et même en leurs noms. Plus que quelques réformes institutionnelles, que des statuts dérogatoires visant à maintenir quelques potentats locaux, il faut à la Corse de véritables politiques publiques de développement. Il faut qu'elle retrouve dans la France une nation dont elle puisse être fière»,a lancé Marine Le Pen à une salle comble et chauffée à blanc, ajoutant que «nous étions les témoins de l'effondrement économique, politique et identitaire de notre pays».
Un état de fait dont elle rend coupable l'Europe sur une île où en 2005, le projet de constitution a été massivement rejeté lors du référendum.«Tous ceux qui s'agitent à cette campagne présidentielle et se soumettent aux directives européennes, ils ne sont pas candidats à la présidentielle mais à un simple poste de gouverneur», estime la candidate d'extrême droite. Marine Le Pen a assure devant son public ne pas être venue sur l'île pour faire des promesses. «J'entends celle de Sarkozy. Il nous dit que tout ce que je n'ai pas fait pendant cinq ans, je vais le faire demain», dit-elle. Et de promettre la mise en place de commissions d'universitaires pour «l'aprentissage de l'enseignement des territoires» ainsi que la création d'un institut national du patrimoine«culturel linguistique et coutumier» – des coutumes acceptées par la présidente du FN. Mais les prières de rue non!