samedi 18 août 2012

L'esprit d'une épopée qui se transmet de génération en génération


La Révolution du Roi et du peuple, un évènement phare illustrant la symbiose entre le Trône et le peuple dans la lutte pour l'indépendance
#Une commémoration qui illustre la volonté d'un peuple de s'approprier son destin et d'apprécier les vertus de son indépendance. (Photo : DR)
Le peuple marocain célèbre, lundi, le 59e anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, un événement phare de l'histoire contemporaine du Maroc en ce qu'il a constitue un tournant décisif dans la lutte menée par le peuple Marocain, sous la conduite du Trône alaouite, pour la défense de la Nation et sa libération du joug du colonialisme.
Cette glorieuse épopée est associée aux événements du 20 août 1953 lorsque les autorités coloniales décidèrent de forcer le père de la Nation, feu S.M. Mohammed V, à l'exil aux côtés de la Famille Royale, croyant ainsi pouvoir éteindre la flamme de la lutte nationale pour l'indépendance et défaire les liens solides unissant le Trône et le peuple fidèle, rappelle à cette occasion le Haut commissariat aux anciens résistants et anciens membres de l'Armée de libération dans un article. 
Le complot ourdi par les autorités coloniales a sonné le glas de la présence coloniale sur le sol Marocain : le peuple marocain dans son ensemble s'est soulevé contre cette machination en ne lésinant pas les sacrifies à consentir pour préserver la dignité et la grandeur de la Nation, protéger la souveraineté du Maroc et ses fondements et assurer le rétablissement de la légitimité avec le retour triomphal du symbole de l'unité de la Nation marocaine feu S.M. Mohammed V. 
Cet évènement constitue, indubitablement, une étape historique décisive dans la lutte menée par les Marocains à travers des décennies pour mettre fin à la présence coloniale. 
Les Marocains ont donné ainsi un exemple extraordinaire dans l'histoire de l'affranchissement des peuples du joug du colonialisme, un exemple qui illustre la solidité des liens entre les composantes de la Nation marocaine et la symbiose entre le sommet et la base, poursuit la même source. 
De ce fait, cette glorieuse épopée occupe une place de choix dans le cœur de tout Marocain en raison des valeurs qu'elle transmet : l'amour de la Nation, la fierté d'appartenir au Maroc, le sens de sacrifice et de l'engagement et la foi en la victoire de la volonté du peuple. 
L'article passe en revue, dans ce contexte, les différents évènements phares ayant marqué la lutte du Maroc pour son indépendance, notamment la bataille d'El-Hri en 1914, celles d'Anoual dans le Rif en 1921, de Boughafer (Ouarzazate) et de Jbel Baddou (Errachidia) en 1933. 
Le Haut-commissariat aux anciens résistants et anciens membres de l'armée de libération s'est également attardé sur l'action politique et de résistance contre le Dahir Berbère en 1930 qui voulait semer la discorde au sein du peuple marocain, les ressentiments racistes et les rivalités tribales, ainsi que sur les revendications réformistes formulées par le Mouvement national. 
L'action nationale, poursuit la même source, a été couronnée par la présentation du Manifeste de l'indépendance, le 11 janvier 1944, un document rédigé en parfaite coordination entre feu S.M. Mohammed V et le Mouvement national qui illustre avec clarté les objectifs nationalistes et la forte détermination à faire aboutir le mouvement d'émancipation. 
La visite effectuée le 9 avril 1947 à Tanger par feu S.M. Mohammed V et son célèbre discours historique fixant les contours de la lutte pour l'indépendance n'avaient de quoi plaire aux autorités coloniales qui ont mobilisé toutes leurs ressources pour exercer des pressions sur le symbole de la résistance Marocaine en cherchant à l'isoler de son peuple et des dirigeants du mouvement de libération nationale. 
Désemparées par la symbiose totale entre le peuple et le trô ne et la position héroïque de feu S.M. Mohammed V, resté imperturbable face aux manoeuvres, les autorités françaises se sont résolues à le contraindre à l'exil avec sa famille le 20 août 1953, croyant ainsi avoir réussi à tuer dans l'œuf l'esprit national et le mouvement de résistance. Mais les actions de la résistance ne vont que redoubler d'intensité, avec comme mot d'ordre et objectif suprême le retour du Roi légitime et de sa famille de l'exil et la proclamation de l'indépendance. 
Les manifestations, les protestations et les actions de résistance vont se multiplier et s'étendre et l'élan du mouvement de la lutte nationale culminera avec le début des opérations de l'armée de libération dans le nord du Maroc le premier août 1955. 
Face à cette Révolution, l'administration coloniale s'est vu obligée de se plier à la volonté du peuple et du Trône et de renoncer à son diktat, ce qui a permis le retour triomphal du Roi et de son illustre famille le 16 novembre 1955.  

Mohammed V, Hassan II, Mohammed VI. Dans l’intimité des trois rois

Mohammed V, Hassan II, Mohammed VI. Dans l’intimité des trois rois
(DR)
Malgré leur tropisme moderniste, l’intimité des trois rois du Maroc indépendant a toujours été régie par d'obscures habitudes et des codes de bienséance archaïques, en grande partie méconnus. TelQuel lève le voile, en dressant des profils psychologiques croisés de Mohammed V, Hassan II et Mohammed VI.
Pourquoi parler des trois rois alors que la monarchie marocaine est millénaire ? Pourquoi s’arrêter à Mohammed V, Hassan II et Mohammed VI, alors que l’intimité makhzénienne et les codes dont elle use se veulent immémoriaux ? Posez la question à Mohammed VI… C’est lui-même qui, à son avènement, a voulu ressusciter la mémoire de son grand-père tout en maintenant vivace celle de son père. à sa demande, Bank Al-Maghrib a alors imprimé des billets estampillés “trois rois”, avec trois portraits judicieusement juxtaposés par ordre chronologique. L’humour populaire marocain, grinçant comme on le connaît, a immédiatement rebaptisé ce tableau historique : “bbat l’malik, l’malik, ould l’malik” (le père du roi, le roi, le fils du roi). La figure centrale était bien sûr celle de Hassan II, “roi-soleil” qui a frappé l’imagination de ses sujets au point d’incarner, à leurs yeux, l’expression ultime de la royauté – toute autre, y compris celles de ses père et fils, ne pouvant être perçues que comme des ersatz. Et pourtant… Chacun à sa manière, Mohammed V, Hassan II, comme l’actuel monarque, ont marqué une nette évolution dans la manière de vivre et de faire vivre, intimement, le pouvoir suprême.
Choisir d’évoquer l’intimité de nos trois derniers rois, c’est ainsi évaluer la perméabilité de la monarchie marocaine aux assauts de la modernité. C’est découvrir des souverains humains (y compris dans leurs excès), en prise – sinon aux prises – avec leur temps (y compris pour le nier en ressuscitant des coutumes hors d’âge), assaillis de dilemmes (politiques comme personnels), et qui évoluent en même temps que change un royaume, parfois plus vite, souvent plus lentement. Sonder l’intimité des trois rois, c’est entrouvrir les portes du sérail, pour éclairer les fêlures et les expériences marquantes d’une vie de monarque. C’est, en définitive, raconter l’histoire intime du Maroc.
Derrière les murs 
La vie privée des rois se cache derrière les hautes murailles de leurs palais, véritables forteresses inaccessibles au commun des mortels. Elle est cachée aux regards, mais parfois mise en scène médiatiquement, notamment lors des interviews-photos accordées de temps à autre à certains magazines étrangers. Quelques rares indiscrets ont cependant révélé au grand public des bribes de cette intimité jalousement préservée. Comme Hicham Mandari (il se disait le fils caché de Hassan II) qui a défrayé la chronique à la fin des années 90, en volant des chèques et des bijoux à un monarque mourant, puis en menaçant de s'épancher dans la presse internationale sur les frasques de la famille royale – il s’est même payé une pleine page du New York Times pour faire chanter Hassan II. Cela n’a pas choqué grand monde qu’il finisse en 2004, abattu d’une balle dans la nuque dans un parking de Marbella, en Espagne. La vague de procès qui, ces dernières années, a touché d’anciens serviteurs du Palais, a de la même manière contribué à jeter un éclairage nouveau sur la vie intérieure des palais royaux. Dans la foulée de ce grand remue-ménage, on apprenait que Mohammed VI avait mandaté son homme d’affaires Mounir Majidi pour faire un audit général des palais en vue de réformer leur fonctionnement. Un temps, le bruit a même couru que Mohammed VI n’était pas contre l’ouverture au public de certaines de ses résidences. Une belle idée, mais qui n’a hélas pas fait long feu…
Les petites vengeances de Hassan II
Très “vingt-et-unième siècle”, cette médiatisation des problèmes d’intendance aura en tout cas été l’occasion d’un grand déballage, qui tranche étonnamment avec la loi du silence en vigueur sous Hassan II. Non pas que le règne précédent ait été pauvre en vols, détournements, histoires scabreuses et autres inconvenances, mais tout se réglait alors en famille, dans le secret des palais. De plus, les 3bid el 3afia (littéralement, “esclaves du feu” – corps aujourd’hui dissout) étaient là pour punir les indélicats. Au menu des sanctions : “Cachot, punitions corporelles, châtiments devant témoins et bien d’autres joyeusetés”, énumère un familier des palais. Mais le défunt roi-soleil savait aussi savourer des vengeances plus amusantes (pour lui, en tout cas). Un membre éloigné de la famille royale rapporte à cet égard une anecdote savoureuse : “Hassan II avait un proche collaborateur dont la fille, d’une grande beauté, lui plaisait beaucoup. Mais celle-ci était réticente aux avances du roi et avait menacé son père de se suicider s’il la livrait au monarque. Devant cet inébranlable refus, Hassan II n’eut d’autre choix que de renoncer à elle. Mais quelques mois plus tard, le roi prit son collaborateur en aparté et lui dit en substance : ‘Tu as aussi un fils en âge de se marier. Je me charge de tout. J’ai trouvé la perle rare qui lui conviendra’. Le jour des noces, l’heureux marié découvrit sa promise : un laideron réputé pour sa vertu”. Et notre source de commenter : “Voilà une vengeance typique de Hassan II… sibylline”.
Le sultan confiné
Si les monarques protègent toujours jalousement leur intimité, Mohammed V fait exception à la règle. Sa légende dorée a fait de lui un roi accessible et simple, soumis de force aux exigences du Protectorat. Dans Mohammed V, Hassan II, tels que je les ai connus (Tarik éditions, 2003), son médecin personnel, le Docteur Henri Dubois-Roquebert, se remémore le contexte de sa première entrevue avec celui qui n’était alors que le sultan Mohammed Ben Youssef : “En 1937, la personnalité intime du sultan était complètement ignorée du grand public (...) Les relations qu'il entretenait avec le monde extérieur ne pouvaient exister que par l'intermédiaire d'un fonctionnaire (français) qui portait le titre de ‘conseiller du gouvernement chérifien’.
Les demandes d'audience n'étaient reçues qu'à condition d'être transmises par ce conseiller, qui assistait souvent aux entrevues”. Ben Youssef est ainsi, aux débuts de son règne, un sultan esseulé, coupé de la réalité marocaine par le Protectorat. Conséquence directe, le souverain cherche à mieux comprendre son peuple. D’où sans doute, d’après plusieurs de ses proches, sa propension à s’évader de son palais pour quelques heures d’anonymat. Le mythe est ainsi vivace d’un roi, habillé très simplement, qui circule anonymement en voiture, les yeux grands ouverts sur son peuple. Plus fidèlement, Dubois-Roquebert écrit : “Souvent, alors qu'il conduisait sa voiture, il lui arrivait de répondre à l'appel d'un auto-stoppeur, de le faire monter à ses côtés et d'entamer avec le voyageur auquel il avait soin de ne pas révéler son identité, une conversation dont il faisait son profit”.
La simplicité d’un prince
Près d’un demi-siècle plus tard, c’est cette image du souverain “en phase avec son peuple” qu’a voulu cultiver Mohammed VI. Bien avant son avènement, il avait déjà la réputation d’un homme simple, qui veillerait à alléger le protocole une fois intronisé. Prince héritier, il lui arrivait souvent d’aller danser au Jefferson ou à l’Amnesia, comme la jeunesse dorée r’batie, ou de fréquenter le resto à la mode de l’époque, le Crep’uscule. Et tout cela sans jamais déranger la clientèle habituelle, parfois même en régalant quelques connaissances… qui prenaient soin de garder la facture, en guise d’autographe ! Sidi Mohammed était donc un prince simple – pas forcément accessible, mais simple. Devenu roi, il affiche clairement ses intentions : il n’habitera pas au palais du quartier Touarga, où il se contentera d’établir son bureau, mais dans sa résidence princière des Sablons, à Salé. Le nouveau souverain entend ainsi marquer la frontière entre sa vie privée et ses fonctions publiques.

De fait, sous Mohammed VI, la vie du palais n’est plus ce qu’elle était : “Il n’y a tout simplement plus de palais, on est passé de 3000 à quelque 300 employés. D’ailleurs, tout le cérémonial qui préexistait avait été totalement inventé par Hassan II, très inspiré par l’exemple de Louis XIV”, commente un proche de la famille royale. Mohammed VI, soucieux de sa liberté de mouvement, a certes réduit les dépenses protocolaires, mais a-t-il pour autant des goûts simples ? Outre son goût, qu’il confesse lui-même, pour la “musique commerciale”, on connaît son penchant pour le jet-ski, un sport pas spécialement accessible. Surtout, on glose encore, à aujourd’hui, sur le montant de ses dépenses de vacances. A cet égard, les goûts de luxe de Mohammed VI le rapprochent plus de son père que de son grand-père. “Hassan II était un grand collectionneur. Il affectionnait particulièrement les montres de luxe et était très tatillon. Il choisissait toujours la même marque de costumes, des Smalto taillés sur mesure, et très cintrés”, se souvient un familier de la cour.
Un roi pingre ?
Si Hassan II avait un goût prononcé pour le clinquant, il savait engranger plus d’argent qu’il n’en dépensait. Un appétit financier sans doute hérité de Mohammed V. Dans Les trois rois (Fayard, 2004), le journaliste Ignace Dalle rapporte le témoignage d'un commis de l'Etat qui a recueilli les confidences d'anciens serviteurs de Mohammed V : “Il (Mohammed V) se faisait inviter par des bourgeois pour qu'ils lui fassent des cadeaux. Mais à peine arrivé, il téléphonait aussitôt à plusieurs de ses proches pour qu'ils le rejoignent, et il fallait aussi leur faire des cadeaux. On en était arrivé à un point tel que la plupart des familles bourgeoises essayaient d'éviter à tout prix ce type d'invitations...” Cet amour immodéré de l'argent avait aussi des ressorts beaucoup plus politiques. Mohammed V avait conscience de ce que pouvait lui permettre sa fortune, et il n'a eu de cesse de la protéger.
Un de ses médecins, le docteur François Cléret, rapporte comment Mohammed V a, en 1960, une époque où le maintien de la monarchie était tout sauf garanti, mis sa fortune à l'abri, essentiellement en Italie. Pour le docteur, le succès de l'opération aurait notablement transformé l'humeur du roi qui se serait montré dès lors plus sûr de lui et beaucoup plus décontracté, alors que quelques semaines auparavant, il parlait encore d'abdication, usé par les coups de boutoir des nationalistes et des gauchistes. L'enrichissement de la famille royale a ainsi commencé dès Mohammed V. Hassan II, par la suite, ne fera qu'amplifier un mouvement déjà amorcé. Mais il donnera à sa fortune une visibilité nationale, en construisant palais sur palais, en initiant de grands travaux aux factures pas toujours vérifiables, et en accroissant immodérément son domaine foncier.
Un enfant sur le trône
Mohammed V a donc facilité la tâche à sa descendance. Plus que la mettre financièrement à l’abri, il a permis la résurrection de sa dynastie. Pourtant, rien ne le prédestinait à jouer un tel rôle. Les observateurs des années 1920 parlent unanimement d'un prince effacé, oublié de son père, le sultan Moulay Youssef, et perdu au milieu de ses multiples belles-mères. Il a 17 ans lorsqu'il monte sur le trône, à l'étonnement de tous. Sidi Mohammed Ben Youssef revient de loin. Il est le troisième fils d'une fratrie de quatre. Son aîné Moulay Driss est atteint d'une affection nerveuse. Son deuxième frère, Moulay Hassan, passe pour un agitateur enclin au jeu. Le benjamin, Moulay Abdeslam, a le désavantage de l'âge.
Quand la santé de Moulay Youssef commence à se détériorer, c'est donc sur Sidi Mohammed que se porte le choix du Résident général Théodore Steeg. Le jeune homme, qui vient de se marier, s'est entiché de son épouse et semble très loin de toute préoccupation politique : aux yeux des Français, le candidat idéal pour le poste de sultan. C'est pourtant interné au palais de Meknès et séparé de sa femme que Sidi Mohammed apprend la mort de son père. Le jeune prince, en complète disgrâce, était notamment accusé d'un vol de tapis par un gardien de palais, un certain Ababou. Mais les manœuvres de l'ambitieux grand chambellan n'ont pas payé. Et c'est presque un enfant qui monte sur le trône, que les autorités françaises croient pouvoir manier à leur guise. En fait, le nouveau sultan a reçu une éducation traditionnelle, peu compatible avec les exigences d'un rapport de forces constant avec la France. Le sultan, qui maîtrise mal la langue de Molière, aime à fréquenter son petit personnel français, au contact duquel il enrichit ses connaissances et s'ouvre à d'autres horizons. C'est par exemple à leur contact qu'il apprend la pétanque, loisir qu'il pratiquera jusqu'à la fin de sa vie.
Les regrets de Mohammed V
“Le sultan était très désireux d'apprendre et d'approfondir ses connaissances, d'autant que l'accession, très tôt, aux hautes charges royales, l'avait empêché d'aller jusqu'au terme de ses études”, écrit Abdelhadi Boutaleb dans Un demi-siècle dans les arcanes de la politique (Editions Az-Zaman, 2002). Et l'ancien précepteur de Hassan II d'ajouter : “C'est en raison notamment de cet arrêt prématuré qu'il a décidé de mettre en place, à l'intention de ses deux enfants, un établissement scolaire à deux niveaux. Par cette initiative, il cherchait, me semble-t-il, à assurer à ses enfants ce qu'il ne pouvait s'offrir lui-même, à savoir une formation solide, du plus haut niveau”.
Mohammed V était donc conscient des limites de son savoir, conscient aussi qu'il devait donner à ses enfants une éducation sans faille, en adéquation avec un Maroc en mouvement. C'est au début des années 1940 qu'il décide de créer le Collège royal. Celui-ci compte au départ deux classes, une pour chacun des deux fils du sultan, Moulay Hassan et Moulay Abdallah. Les princes sont entourés d'une dizaine de camarades triés sur le volet, choisis dans toutes les régions du Maroc parmi les élèves les plus méritants. L'enseignement du Collège royal se veut à la fois ancré dans la tradition et résolument moderne. Les élèves, logés en internat, se lèvent aux aurores et doivent se soumettre à une discipline de fer. Leurs enseignants sont souvent de grands noms, appelés à jouer un rôle important dans la vie du royaume : Mehdi Ben Barka, Abdelhadi Boutaleb, Mohamed El Fassi, entre autres.
Quand Hassan II recevait des coups
Hassan II perpétuera pour ses enfants le système du Collège royal. Il montrera la même propension que son père à suivre de très près l'éducation de ses fils, des princes éduqués à la dure. Nombre d'observateurs se rappellent les querelles violentes qui ont opposé Hassan II au futur Mohammed VI. Principal sujet de dispute : les sorties du prince et ses virées en boîte de nuit qui déplaisaient au plus haut point à Hassan II. Le défunt monarque aurait ainsi cherché à reproduire le modèle d'éducation qu'il avait lui-même reçu. Dans Mémoires d'un roi (Plon, 1994), il se souvient : “Jusqu'à l'âge de dix, douze ans, j'ai reçu des coups de bâton et j'étais heureux que ce soit mon père qui me les donne plutôt qu'un autre.
Vous savez, aujourd'hui encore, dans les écoles coraniques, le fqih possède toujours un bâton. On l'applique de préférence sur les poignets. J'ai fait preuve de la même sévérité parentale envers mes propres enfants et, grâce à Dieu, je n'ai pas eu avec eux de problèmes d'éducation”. Dans Le défi (Albin Michel, 1976), Hassan II se fait aussi l'écho d'une des remontrances de son père qui, s'inquiétant de le voir s'adonner à trop de frivolités, le remet sur le droit chemin: “Nous allâmes ensemble dans la pièce où je vivais au Collège impérial. En un clin d'’œil je vis disparaître fusils de chasse, raquettes de tennis, attirail de pêcheur et de cavalier, livres et magazines illustrés de sport, poste radio, pick-up et disque ‘up to date’, comme on disait alors”.

La revanche d’un fils
Mais Hassan II a rapidement pris l'ascendant sur son père, de son vivant. Les deux ans d'exil du sultan sont du pain bénit pour le jeune prince. Vu l'isolement de Mohammed Ben Youssef en Corse, puis à Madagascar, Moulay Hassan devient le collaborateur principal de son père. Les taquineries du sultan, à valeur de tests, n'ont plus prise sur lui. Ignace Dalle rapporte par exemple le côté manipulateur de Mohammed V, décrit par l'un de ses bouffons. Celui-ci raconte que le souverain lui demandait de temps à autre de provoquer ses fils, Moulay Abdallah et Moulay Hassan, et de les dresser l'un contre l'autre. “Hassan II détestait ces pratiques, ce qui l'a conduit à se débarrasser, à la mort de son père, de ce curieux entourage”, écrit Dalle.
Mais l'exil à Madagascar est justement l'occasion pour le fils aîné du sultan d'asseoir son statut en se rendant indispensable aux yeux de son père, tout en s'attirant la bienveillance de son frère. “A Antsirabé, le prince Moulay Hassan était le principal collaborateur du souverain. Il lui servait à la fois de conseiller, de chef de cabinet et de secrétaire particulier”, se souvient Dubois-Roquebert. Et de continuer : “L'exil avait eu comme conséquence de rapprocher le prince Moulay Hassan de son frère le prince Moulay Abdallah. Celui-ci avait séduit sans calcul et avec une grande simplicité tous ceux qui l'entouraient par ses qualités de bon sens, de cœur et d'esprit”.
Une timidité royaleSi Hassan II a rapidement pris sa revanche sur son père, affaibli par l'exil, Mohammed VI a dû attendre plus longtemps pour enfin parvenir à s'émanciper. En fait, ce n'est qu'avec la maladie de Hassan II, au début des années 1990, que Sidi Mohammed est de plus en plus associé aux affaires du royaume. Jusqu'alors, le prince héritier avait donné l'image d'un jeune homme effacé et timide. Le journaliste Ignacio Cembrero se souvient de l'interview accordée par Hassan II à plusieurs médias espagnols, juste avant sa visite d'Etat à Madrid en 1989 : “A la fin de l'entretien, le roi a tenu à nous présenter ses fils. C'est là que j'ai vu le futur roi pour la première fois (en 2005, il reverra Mohammed VI à l'occasion d'une interview accordée à El Pais, ndlr).
Il était très discret et n'a quasiment pas parlé. Son frère, Moulay Rachid, a été beaucoup plus volubile”. Dix ans plus tard, à la mort de Hassan II, des observateurs témoignent de l'attitude du nouveau souverain : “Alors que Moulay Hicham s'affairait ici et là, donnait des ordres, et était le véritable maître de cérémonie, Mohammed VI était discret, visiblement ému, mais aussi très digne. Il faisait les cent pas, seul dans un salon, on voyait sa grande silhouette arpenter la pièce en silence”. Déjà, le nouveau roi imprimait sa marque : se recueillir avant de gérer la crise, être homme avant d’être roi.
Le chef de familleA son arrivée sur le trône, Mohammed VI était déjà considéré comme une énigme. Sa réputation de simplicité le précédait, mais ses apparitions publiques avaient été trop rares pour être marquantes ou révélatrices. Dalle traduit bien le sentiment général et l’impression que dégage le nouveau roi : “Le contraste entre l’homme public et l’homme privé surprend. Le premier, timide, raide, lit péniblement ses discours, n’accorde que très peu d’interviews (...) De l’avis unanime, l’homme privé est beaucoup plus détendu et sympathique, même s’il est susceptible et colérique. Il aime rire, a conservé en partie le sens de l’humour et l’esprit de fête qui étaient les siens quand son père vivait encore et le laissait tranquille”.
L'homme privé est aussi un père qui veille à l'éducation de ses enfants et n'a pas peur d'instaurer des règles nouvelles. “Mohammed VI insiste pour que son fils, le prince héritier Moulay Hassan, fasse la bise à tout le monde quand il est mis en présence d’invités”, note par exemple un membre de la famille royale qui poursuit : “Moulay Hassan doit être couché à 20h30 et il n'y a aucune exception”. Mohammed VI témoignerait aussi un souci constant de donner une bonne image de son épouse, Lalla Salma. “C'est lui qui choisit ses tenues officielles”, confie notre source.
Ainsi, si Mohammed V et Hassan II ont été des patriarches, au sens féodal du terme, régnant aussi bien sur un harem que sur une famille, avec Mohammed VI, la donne a changé. Celui-ci s'apparente davantage à un chef de famille au sens classique du terme. C'est d'ailleurs le rôle qu'il joue avec les enfants de son cousin Moulay Hicham (à aujourd’hui, persona non grata au palais), qui seraient régulièrement vus auprès du roi pendant leurs vacances marocaines.
On a parfois glosé sur les colères légendaires de Mohammed VI, mais on a peu dit qu’elles étaient généralement de courte durée. Emporté, oui, mais pas rancunier. Fouad Filali, ex-mari de Lalla Meriem (sœur de Mohammed VI) et ex-PDG de l'ONA, est par exemple revenu en grâce, malgré son éviction plutôt musclée, au tout début du règne de Mohammed VI. S'il y a cependant un secret que peu de gens ont réussi à pénétrer, c'est la relation du roi avec sa mère Lalla Latifa, plusieurs années exilée en France après le décès de Hassan II, aujourd'hui installée à Marrakech. “C'est un point sur lequel peu de courtisans osent interroger le roi et qui reste un grand mystère”, avoue un membre de la famille royale. Après tout, chacun a droit à son jardin secret !

Mali : le présumé voleur dont la main a été coupée par les islamistes du Mujao est mort à Ansongo




 Le présumé voleur qui a été amputé de la main droite le 8 août dernier par les islamistes du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) est "mort des suites de ses blessures dans un centre de santé à Ansongo (un cercle situé à 90 kilomètres de Gao, au nord-est vers la frontière nigérienne, Ndlr)", a-t-on appris jeudi de sources concordantes. Selon nos sources, le présumé voleur était un targui appartenant à une des ethnies de la communauté touareg du nord du Mali. Celles-ci ont ajouté que "peu de temps après la mort de cet homme qui a été amputé par les extrémistes, sa mère aussi est décédée à cause de la déception. Elle n'a pas pu supporter le chagrin de la disparition de son fils. Elle a piqué une crise cardiaque". Par ailleurs, les islamistes du Mujao projettent de "couper les mains d'une soixantaine de personnes dès le mardi prochain à Gao, en vue de l'application de la Charia", a-t-on appris également de sources concordantes jeudi. Toutefois, les habitants de ladite ville n'entendent pas accepter cela.

mercredi 15 août 2012

La justice égyptienne condamne quatorze militants islamistes à la peine de mort


L'armée égyptienne a lancé, il y a dix jours, des manoeuvres militaires de grande envergure dans le Sinaï.
L'armée égyptienne a lancé, il y a dix jours, des manoeuvres militaires de grande envergure dans le Sinaï.
REUTERS/Mohamed Abd El Ghany

Par RFI
Ce mardi 14 août, un tribunal égyptien a condamné à la peine capitale quatorze militants islamistes reconnus coupables de meurtre avec préméditation de six personnes, dont cinq membres des forces de l'ordre. Les faits remontent à l'été 2011, quand un commissariat de police dans le nord du Sinaï avait été attaqué par les membres du groupe terroriste Tawid wal Jihad.

De notre correspondant au Caire, Alexandre Buccianti
Les condamnés ont été jugés coupables de l’assassinat de quatre policiers, un militaire et un civil dans une attaque contre un poste de police et une banque de la ville d’al-Arich, capitale du nord du Sinaï. Les condamnés, dont huit sont en fuite, ont aussi été reconnus coupables de la formation d’un groupuscule terroriste, Tawhid wal Jihad, responsable d’attentats contre des sites touristiques dans le sud du Sinaï.
Ce verdict intervient alors que l’armée et la police égyptienne ont lancé une vaste opération contre les jihadistes du Sinaï. Des opérations sans précédent auxquelles participent près de 10 000 hommes, 200 blindés ainsi que des hélicoptères.
Les opérations se déroulent sur trois fronts. Au nord, l’armée procède à la destruction des tunnels avec Gaza à l’aide de matériel lourd. Dans la région du cheikh Zoweid, la police et l’armée recherchent des éléments jihadistes avec l’aide des bédouins. Mais l’offensive principale se déroule au centre du Sinaï où armée et police veulent purger la région montagneuse du Jabal al-Halal des centaines de jihadistes et de hors-la-loi qui s’y réfugient.
Les opérations militaires ont fait une quarantaine de morts dont sept militaires et policiers.

Le Maroc et la Libye ne comptent aucune banque islamique


Nous avons publié, dans notre édition de mercredi dernier, la première partie de l’étide récente de la BAD (Banque Africaine de Développement) intitulé »Services bancaires et Finance islamique en Afrique du Nord Evolution et perspectives ». La seconde partie de cette étude traite du développement de la Finance islamique dans cette régionde et des facteurs qui expliquent son sousdéveloppement relatif.
Eb effet, les services bancaires islamiques la Finance islamiqueLa finance islamique est moins développée en Afrique du Nord que dans la région du Golfe et en Asie du Sud-Est. Mais, ce qui est peut-être surprenant est que l’Afrique du Nord est à la traîne à l’heure actuelle par rapport au Royaume-Uni où cette industrie est en pleine expansion. Tel qu’il ressort du Tableau 1 ci-dessous, les pays d’Afrique du Nord ne figurent même pas parmi les 10 premiers au monde en termes d’actif conforme à la Charia, l’Égypte – pays où la finance islamique est le plus développée – ne se classant qu’au douzième rang. En République islamique d’Iran, toute l’activité bancaire doit être conforme à la Charia en vertu d’une loi adoptée en 1983. Ainsi, le pays se classe au premier rang, notamment pour l’actif de l’ensemble du système bancaire. En Arabie saoudite, où les banques classiques et islamiques sont en concurrence et où les clients ont donc le choix, l’essentiel de l’actif est détenu par les banques islamiques. Al Rajhi Bank, le leader du marché, est la banque islamique cotée en bourse la plus importante au monde et se classe au deuxième rang après Bank Melli, une banque publique iranienne, en termes d’actif conforme à la Charia. La Malaisie, bien qu’abritant une importante population non musulmane, se classe au troisième rang en termes d’actif conforme à la Charia, soit près de 30 pour cent du volume total de l’actif bancaire.
Le classement de l’actif bancaire islamique dans les pays musulmans de la Méditerranée est très peu honorable et sa part dans l’actif total nettement à la traîne. La Turquie se classe au premier rang en ce qui concerne l’actif conforme à la Charia, bien que l’Égypte représente une part légèrement plus élevée de l’actif total des banques islamiques. Les parts de l’Algérie et de la Tunisie ne s’élèvent qu’à 1,1 et 2,2 pour cent, respectivement. La Libye et le Maroc ne comptent aucune banque islamique. S’agissant de la Mauritanie, il existe peu de données.
Les autres banques, notamment la Banque Al Wava de Mauritanie, font toutes partie du groupe Al Baraka.
De toute évidence, il existe de la place pour de nouveaux venus sur ces marchés car, à l’heure actuelle, la fourniture des services bancaires islamiques fait l’objet d’un monopole en général et, dans le cas de l’Égypte, d’un duopole, ce qui rend le cadre peu propice à l’innovation et à la mise au point des produits. La concurrence pourrait venir soit de la création de nouvelles banques soit de la reconversion des banques existantes en banques entièrement islamiques, comme ce fut le cas lorsque National Bank of Sharjah est devenue Sharjah Islamic Bank. Ceci pourrait découler d’initiatives financées au niveau local ou être le fruit d’un investissement direct étranger effectué par des banques islamiques basées dans d’autres régions, très probablement le GCC.. L’actif de National Bank of Egypt est neuf fois supérieur à celui de Faisal Islamic Bank of Egypt. La taille limitée des banques islamiques en Afrique du Nord réduit les possibilités pour les économies d’échelle et le développement des activités.
Raisons du sous-développement des services bancaires islamiques en Afrique du Nord
Trois facteurs expliquent le caractère relativement sous-développé des services bancaires islamiques en Afrique du Nord : tout d’abord, le développement limité des activités bancaires de détail d’une manière générale ; ensuite, la faible familiarisation des clients potentiels avec les services bancaires islamiques ; et troisièmement, le manque de soutien de l’État. Ce dernier facteur sera examiné de manière plus détaillée dans la section suivante sur les aspects juridiques et réglementaires. Il convient de souligner, cependant, que les services bancaires d’une manière générale, et pas seulement les services bancaires islamiques, sont relativement moins développés en Afrique du Nord, comme en témoigne l’actif bancaire
Les services bancaires commerciaux prédominent en Afrique du Nord, par rapport aux services bancaires de détail, les banques desservant les entreprises publiques et un secteur privé restreint. Les services bancaires de détail qui satisfont les besoins personnels des classes moyennes sont moins développés que dans le Golfe ou en Malaisie, ce qui reflète en partie la situation économique moins aisée de la majorité de la population. Cependant, dans le Golfe et en Malaisie, c’est le modèle islamique de détail qui a été couronné de succès, les fonctionnaires et les gestionnaires du secteur privé recevant leurs salaires par le truchement de comptes bancaires personnels et recherchant des financements pour l’achat de logements et de véhicules. Les banques islamiques ont mis l’accent sur ce type d’activité, mais l’expérience du Golfe ne peut être transférée facilement dans un environnement financier aussi différent que celui de l’Afrique du Nord.
Le manque de familiarisation avec les services bancaires islamiques en Afrique du Nord constitue également un problème, en partie parce que les quelques banques islamiques créées ont mené peu de campagnes de
promotion. Dans le Golfe et en Malaisie, les banques islamiques ont un profil public plus important, notamment parce que, en tant que principales institutions de détail, elles doivent faire face à une concurrence serrée. Par ailleurs, les banques classiques proposent des contrats générateurs d’intérêts et de recettes. Dans le Golfe et en Malaisie, les médias couvrent abondamment les événements relatifs aux services bancaires islamiques. Cette couverture est moindre dans les pays d’Afrique du Nord. Dans les pays du Maghreb, l’accent a été mis davantage sur la France, où il n’existe pratiquement aucun service bancaire islamique, au détriment de la région du Golfe ou d’autres régions plus éloignées du monde islamique où la finance islamique est plus développée.

Deux problèmes spécifiques dans un environnement financier

classique : la gestion de la liquidité et les lois anti-trust
Dans certains pays tels que l’Iran31 et la Malaisie, il existe des lois bancaires islamiques spécifiques, tandis que dans d’autres, notamment le Koweït, des dispositions séparées ont été ajoutées à la loi bancaire afin de prendre en compte la finance islamique. Dans la plupart des pays arabes, la finance islamique est régie par des règles. La Banque centrale de Bahreïn dispose de la réglementation la plus complète, mise au point dans le cadre de ses efforts visant à faire de l’île une plateforme financière islamique.
En Afrique du Nord, il n’existe pas de loi bancaire islamique complète, hormis les quelques dispositions adoptées en Égypte au titre de la loi n° 48 de 1977, qui est examinée ci-dessous dans la section consacrée aux différents pays. Les exigences relatives à l’octroi d’agréments pour les banques islamiques, notamment en ce qui concerne le capital, les ratios de liquidité et l’établissement de rapports financiers, sont identiques à celles des banques classiques. Cependant, ces dispositions ne sont pas toujours utiles pour les banques islamiques, car celles-ci sont souvent défavorisées par rapport aux banques classiques en matière d’exigences réglementaires. Les exigences de capital ne constituent pas un problème majeur, dans la mesure où toutes les banques islamiques respectent les exigences de Bâle II. Par conséquent, le respect des exigences de Bâle III ne devrait pas constituer une difficulté supplémentaire.
Les banques islamiques sont confrontées à deux problèmes spécifiques dans un environnement financier classique : la gestion de la liquidité et les lois anti-trust.
Les banques islamiques ne peuvent détenir des bons du Trésor créditeurs d’intérêts ni accepter le paiement d’intérêts sur leurs dépôts auprès de la banque centrale.
Il s’ensuit que ces institutions ne tirent aucun bénéfice de l’acquisition de bons du Trésor contrairement à leurs concurrentes classiques.
Une solution consiste pour le gouvernement à émettre des sukuk souverains à court terme ou des titres islamiques que les banques islamiques peuvent détenir en toute légitimité et dont elles peuvent tirer un revenu modeste. Ces sukuk sont émis en Malaisie et à Bahreïn,et il est prévu d’en émettre dans d’autres pays, mais pas encore en Afrique du Nord. La gestion des paiements au titre des sukuk et la propriété de l’actif sous-jacent requièrent, en principe, l’adoption d’une loi anti-trustsimilaire à celles en vigueur dans les pays de la Common Law anglaise, mais pas toujours dans les pays de droit civil qui existent dans le monde arabe, à moins que des dispositions spéciales ne soient prises. C’est le cas à Bahreïn, mais en Afrique du Nord, la question n’a pas encore été étudiée.

Incendies de forêt Le Maroc «disposé» à apporter son aide à l’Espagne



Le Maroc a fait part aux autorités espagnoles de sa «disponibilité» à apporter son aide aux services de secours de la péninsule ibérique, à la suite des importants incendies de forêt auxquels fait face ca pays, indique lundi un communiqué du ministère de l’Intérieur.
Cette aide s’inscrit dans le cadre «de la coopération agissante qui existe entre les deux pays», souligne la même source, rappelant que la partie espagnole a «souvent participé aux opérations de lutte contre les incendies de forêt qui se déclarent au Maroc», en vertu des accords de coopération bilatérale, notamment ceux régissant les relations entre les ministères de l’Intérieur et les services de protection civile des deux pays.
«C’est dans ce cadre, et à titre de solidarité et de réciprocité, que les autorités marocaines ont exprimé leur disponibilité à apporter leur soutien aux efforts des services espagnols confrontés à des incendies de grande ampleur, qui ravagent des milliers d’hectares de forêts», fait remarquer le communiqué.
Les directions de protection civile des deux pays sont «en contact» pour étudier les besoins éventuels et la nature de la participation marocaine, indique la même source.
De multiples incendies, nourris par la canicule, ont ravagé ce week-end des milliers d’hectares de végétation dans plusieurs régions de l’Espagne.

lundi 13 août 2012

Le Maroc se dote du premier laboratoire de virologie public certifié ISO 9001


Le centre Hospitalier Ibn Sina (CHIS) vient de se doter du premier laboratoire de virologie public du Maroc certifié ISO 9001. L’inauguration officielle aura lieu mercredi 15 Août 2012 avec présentation de la grille des nouvelles prestations qu’offre ce laboratoire central de virologie (LCV), qui se faisaient auparavant, uniquement dans des laboratoires Européens, notamment des examens en rapport avec le diagnostic et le suivi thérapeutique de maladies graves telles que les hépatites virales B et le Sida ainsi que les activités de greffes d’organes et de tissus. Ce laboratoire est équipé d’un système informatique connecté aux services cliniques prescripteurs, afin de leur transmettre les résultats en temps réel. 
Les deux grands axes d’activités du laboratoire Central de virologie du centre hospitalier Ibn Sina sont la sérologie virale et la biologie moléculaire, indique Pr. Ahmed Essaid Alaoui, responsable du laboratoire central de virologie. La sérologie virale permet le dépistage des maladies virales à l’occasion d’un bilan biologique effectué dans le cadre d’un don de sang, d’organes ou de tissus, ainsi que dans le cadre d’un bilan prénuptial ou lors d’une grossesse. La sérologie virale permet par ailleurs de déterminer le statut immunitaire d’un patient, comme c’est le cas par exemple pour le dosage d’anticorps spécifiques, dans le cadre de l’évaluation de l’efficacité d’une vaccination contre le virus de l’hépatite B. La sérologie virale permet également d’établir le diagnostic d’autres maladies virales hépatiques (hépatites virales A, B, C, D, E), HIV du Sida, des maladies virales infantiles (Rougeole, Oreillons, ….,..), des infections respiratoires virales ainsi que des gastroentérites virales 
Le deuxième secteur du laboratoire central de virologie du CHIS concerne la biologie moléculaire en particulier les techniques de PCR en temps réel. Ces techniques consistent à amplifier, détecter et quantifier le génome des virus. Elles sont indiquées en complément de la sérologie dans le cadre du diagnostic de maladies virales comme les hépatites virales, les méningites virales, les infections virales respiratoires ... . La biologie moléculaire s’inscrit également dans le suivi pronostique et ou thérapeutique d’un patient infecté par un virus. Elle permet d’établir une surveillance des infections virales et de leur traitement chez les sujets immunodéprimés. La biologie moléculaire permet également de déterminer l’évolution de l’infection virale à travers l’évaluation du niveau de réplication des virus par la mesure de la charge virale avant, à l’occasion d’un traitement ou après traitement (infection par HIV, hépatite virale B, C, ……. La biologie moléculaire trouve également son intérêt dans le cadre du dépistage et du suivi de virus impliqués dans le développement de cancers comme c’est le cas pour le virus HPV (Human papillomavirus) dans le cancer du col de l’utérus, ainsi que d’autres virus susceptibles d’être à l’origine de cancers hépatique. La virologie est une discipline indispensable en matière de greffe d’organes et de tissus. La sérologie virale permet en effet la qualification du donneur et du receveur et la biologie moléculaire permet le suivi des patients greffés.
Il faut rappeler que le Laboratoire Central de virologie du CHIS s’inscrit dans le cadre des projets stratégiques du CHIS relatifs à sa politique qualité, à la centralisation des laboratoires d’analyses médicales, au développement des projets de greffe d’organes et de tissus et surtout ainsi que toutes les activités de soins tertiaires et de pôles d’excellence. Le laboratoire central de virologie du CHIS est le premier laboratoire médical public certifié ISO9001v2008 et le premier laboratoire hospitalier civil de Virologie au Maroc., tient à préciser Pr. Al Mountacer CHEFCHAOUNI, directeur du CHIS. Le laboratoire central de virologie du CHIS déploie ses activités sur 2 sites. Un site situé à l’hôpital Ibn Sina où sont réalisées les prestations de sérologie virale et un site situé à l’hôpital des spécialités où sont réalisées les prestations de biologie moléculaire ainsi que le complément des activités de sérologie virale (immunofluorescence pour la détection des virus respiratoires, confirmation de l’infection HIV par technique Western Blot, …). 
Le laboratoire central de virologie du CHIS dispose sur ses 2 sites d’équipements dédiés et d’automates de sérologie virale, de plateformes ouverte et fermée de biologie moléculaire, reliées par un système informatique connecté aux services cliniques prescripteurs, afin de leur transmettre les résultats en temps réel. 

Témoignages. Ces Marocain(e)s qui disent non

Témoignages. Ces Marocain(e)s qui disent non
(DR)
4 + 9 = 13. Quatre hommes et neuf femmes ont accepté de témoigner, à visage découvert, de leur révolution personnelle, intime, singulière. Ils sont jeunes et inconnus pour la plupart. Ils ressemblent à tout le monde et à tous les autres, mais ils ne font pas et ne pensent pas forcément comme les autres. Ils sont différents. En invitant ces voix à s’exprimer, TelQuel met en avant la différence comme source de richesse. Il s’agit de prêter attention et d’écouter ces individus, ces voix plurielles, sincères, ces femmes et ces hommes dont les témoignages peuvent parfois surprendre, heurter, mais très souvent toucher et inviter à la réflexion. Bonne lecture… K.B

Aadel Essaadani, 45 ans, militant et acteur culturel
“Je ne me cache pas pour boire”
Beaucoup de nos compatriotes boivent de l’alcool mais ne l’assument pas. Ce comportement incarne, à sa manière, la schizophrénie du sous-développement et perdure car l’individu n’existe pas encore véritablement chez nous. Le Marocain moyen préfère cultiver une image de “saint”, en famille comme en société. Et quand il succombe à des tentations humaines, il préfère se cacher pour ne pas heurter. En ce qui me concerne, je refuse de me cacher pour boire, ni même d’utiliser ces fameux sacs en plastique noir dans lesquels les marchands d’alcool emballent les bouteilles. Ces mikate sont l’emblème même de blad schizo : tout le monde sait qu’elles contiennent du vin, de la bière ou du whisky, mais tout le monde fait semblant de ne rien voir. Et la situation devient pathétique lorsque la personne qui a ces mikate entre les mains tombe sur des flics ; ces derniers ne se soucient pas tant de la dimension halal/haram que d’obtenir leur part du gâteau...
Personnellement, je me suis révolté tout petit contre cet état de fait, qui veut qu’on peut tout faire à condition de ne jamais rien dire ou montrer. Observant la dichotomie comportementale des adultes, je ne comprenais pas qu’ils n’assument pas un fait que nul n’ignorait. Je considérais ces non-dits et cette hypocrisie comme un manque de courage, de lâcheté pure et simple. Le Maroc est un pays à références multiples, depuis des siècles. Un pays ouvert à la modernité et sûr de ses origines et références. Mais il y a aujourd’hui une tendance à hiérarchiser les références, entre tradition et modernité, par exemple ! Le gouvernement et les institutionnels placent l’islam comme référence supérieure et donnent la légitimité, dans une démarche populiste, aux pratiquants de décider des comportements des autres... Il y a là de quoi nourrir les bases d’une éventuelle “guerre civile”, dès lors que l’on met sur la balance le respect des minorités, des libertés individuelles... et l’islam. Sans oser parler de laïcité ou de sécularisation.
Leila Hafyane , 36 ans, écrivain
“Je ne cache pas mes amours”
J’ai rendez-vous avec mon homme, l’aimé d’un été, et ça se voit. Il m’attend chez moi. Mon arrivée réveille le gardien de voitures de ma rue. Il me voit. Je me gare. Il sort de sa torpeur et m’indique une place. Ses grands gestes m’agacent : bien sûr que je l’ai vue ! Comment aurais-je pu la rater ? C’est la seule place de libre devant l’immeuble. Il s’approche, m’ouvre la portière et me demande comment je me porte depuis la dernière fois. “Ghbrti ! Tu as disparu !” Le voilà perquisitionnant l’espace, mon espace et ma vie privée. Il poursuit : “Votre ami est arrivé, depuis une heure déjà”.  Il hoche la tête dans la direction du balcon du premier étage, avec un sourire, un sourire très large dans lequel on peut accrocher une bonne poignée de qualificatifs. Je souris aussi à la complicité imposée. Je souris de son intrusion dans mes amours. Il ferme ma portière. Me voilà escortée —de quel droit ?— par un jeune sans âge. “Tu devrais attendre que Lhaj (concierge) aille prier avant de passer la porte de l’immeuble. L3asr est dans quelques minutes”, insiste-t-il. Le sourire verdit, en rictus, s’évanouit. Je dois donc rendre des comptes au concierge aussi ? Pas question pour moi de la jouer en catimini ! “T’inquiète pas pour moi”, dis-je pour contrer son pas, son verbe. Dans ma tête, je pense : “Tu as l’air très jeune et ton regard te vieillit, il est vide comme le compte que tu veux que je rende, de mes actes rangés, de mon être effacé, au père, au frère et aux anonymes mâles qui peuplent les rues”. à quelle limite de cette folie ordinaire cherchent-ils à nous traîner ? Biaiser toujours, biaiser tout le temps, jusqu’à l’épuisement, la mort, c’est ce que vous voulez de nous. Mais je refuse d’entrer dans ce jeu de dupes, baisser la tête, fuir les regards sous prétexte que j’ai rendez-vous avec un homme chez moi. C’est moi, c’est lui et cela ne regarde que nous. Il y a longtemps que j’ai dit STOP, SAFI, BARAKA à cette hypocrisie. Libre comme l’air, l’air de rien, tout simplement. Malgré vous. J’arrive devant l’immeuble. Je dis salam au concierge à la barbe rousse et crépue. J’envoie mon doigt écraser le bouton de l’interphone, comme j’aimerai écraser ses lamentations funèbres. De son poste de contrôle, le vieux fusille mes sandales d’une salve de griefs, sa gueule tirée traîne par terre, il marmonne un “A3oudou billah mina chaytane rajjime” clair et audible. C’est son baroud d’honneur contre la femme que je suis, contre le désir qui ondule sous mes talons, papillonne sous ma jupe, réverbère mon souffle. Je l’ignore, je m’assume et monte rejoindre mon homme.
Ibtissam Betty Lachgar, 36 ans, psychologue clinicienne – psychothérapeute
“Je ne fais pas le ramadan”
L’inquisition socio-religieuse et les dispositions juridiques iniques étouffent ma liberté. Le mois de ramadan, par exemple, même s’il n’est pourtant qu’une des parties visibles de l’iceberg. L’article colonial 222 (établi par le maréchal Lyautey) condamne de 1 à 6 mois de prison ferme “toute personne notoirement connue pour son appartenance à l’islam” qui rompt ostensiblement le jeûne en public. Cet article est d’un fascisme scandaleux. Qui décide de qui est musulman et de qui ne l’est pas ? Quels sont les critères ? Le nom ? Le faciès ? La loi du Talion ? Par ailleurs, je ne suis pas croyante, je ne suis pas musulmane, je ne me sens donc pas concernée. Mais je refuse les contraintes sociétales, donc religieuses. Depuis septembre 2009, l’étiquette de membre des “déjeuneurs du ramadan” me colle à la peau. J’ai reçu des insultes, des menaces et des tentatives d’intimidation, suite à l’organisation avec d’autres membres de MALI (Mouvement alternatif pour les libertés individuelles) d’un pique-nique, que nous voulions, je le rappelle, symbolique. Et non pas seulement de la part d’inconnus, mais aussi de la part de membres de mon entourage. Mais j’assume mon acte. Parce que je refuse l’atteinte à mon libre-arbitre. Je refuse l’infantilisation. La religion relève de la sphère privée et ne doit en aucun cas concerner l’Etat. Je suis pour la séparation de la religion et de l’Etat, je suis pour un Etat séculier. Je refuse toute forme de discrimination. Je refuse la législation marocaine outrageusement inégalitaire, véritable spoliation en matière d’héritage par exemple. Je refuse l’article 19 de la Constitution “L’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés (…) dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume”. Comprendre “dans le respect de l’islam”. Je refuse l’unique possibilité, sectaire, pour la femme d’épouser un musulman. Je refuse donc la seule voie du mariage religieux et prône l’existence d’un mariage civil. Je refuse une loi divine supérieure. Je refuse l’article de loi moyenâgeux condamnant les rapports sexuels hors mariage au nom de la religion. Je refuse l’ensemble des lois liberticides, homophobes, misogynes et patriarcales. Un archaïsme rampant qui gangrène la société. Je respecte les croyances de chacun, mais je refuse qu’un Etat (le Maroc en l’occurrence) m’impose un mode de vie fondé sur des préceptes religieux qui ne sont pas les miens.
Imane E. Arouet, 24 ans, responsable éditoriale
“Je suis athée”
à24 ans, je fête les dix ans de mon apostasie. Dix ans que j’ai peu à peu sombré dans un déisme voltairien avant de basculer vers un athéisme convaincu, réfléchi, alimenté de lectures philosophiques et théologiques. Dix ans que je me heurte à un rejet de la part d’une partie de mes concitoyens. à mesure que mes doutes se formaient et que mes questionnements se formulaient, j’ai progressivement été victime d’un réel ostracisme. Je n’étais pas prise au sérieux, je ne pouvais qu’être une “paumée”, infréquentable de surcroît. Ma curiosité était qualifiée de “foi fragile”, de manipulation démoniaque. C’est l’ennui, dans un pays musulman : dès lors qu’elles touchent au religieux, l’honnêteté intellectuelle et la volonté sincère de ne pas passer pour ce qu’on n’est pas sont assimilées à une corruption démoniaque et à une décadence éhontée. à Casablanca, où l’hypocrisie sociale est à son comble, il est parfaitement convenu et socialement accepté d’être un “mauvais” musulman, au sens strict. Convenu de ne pas prier, de boire, tant d’actions qu’un “bon” musulman rechignerait à faire. Pourtant, quand il s’agit de poser quelques questions, les gens sont mal à l’aise ou ouvertement hostiles, injurieux, certains n’hésitant pas à rappeler que le meurtre d’un apostat est légitime aux yeux de Dieu. En particulier, une chronique pour le site d’actualités Slate.fr (Moi, Arabe, athée), m’a valu beaucoup de mails haineux et de menaces de mort. Je continue cependant d’assumer mon scepticisme religieux sur Internet, principalement parce que je reçois également des messages de soutien, de la part d’une minorité silencieuse qui me remercie de parler en son nom. Dans la vie de tous les jours, j’assume également pour des raisons pratiques : cette apostasie, à force d’être socialement combattue, est devenue une composante principale de ma personnalité. L’omettre reviendrait à mentir. Je pense avoir le droit de jouir d’un entourage qui m’accepte telle que je suis : ça ne pose donc pas de soucis à mon cercle d’amis dans sa configuration actuelle. Côté famille, c’est plus compliqué. Ma très pieuse mère voit d’un œil désespéré mon désintérêt pour la chose religieuse et ne cesse, avec une bienveillance relative, de me rappeler à l’ordre en espérant que je retrouve “le droit chemin” (Allah yehdik). Le reste de ma famille, croyante, a le bon goût bienvenu de ne pas (trop) opiner sur le sujet.
Rayan Benhayoun, 23 ans, étudiant en école de commerce
“Je ne cache pas mon homosexualité”
Je me suis rendu compte de mon homosexualité vers l’âge de 12 ans. Je n’avais jamais eu de sentiments pour une fille, je ne me sentais pas comme un garçon de mon âge dit “normal”. à ce moment-là, j’ai su que j’étais différent. Que j’étais gay, et que je ne l’avais pas choisi. Et c’est à partir de là que j’ai commis, je pense, l’une des plus grosses erreurs de ma vie. J’ai nié, j’ai refoulé. Depuis ce jour, j’ai vécu une véritable torture mentale. J’y pensais tout le temps. Et j’effectuais un énorme travail sur mon mental. Je me forçais à être hétérosexuel. Bien entendu, cela n’aboutissait pas. J’ai fait mon “coming-out” à 16 ans, non pas par courage mais plutôt par lassitude. Je n’en pouvais plus de vivre dans l’hypocrisie et dans le mensonge tout le temps. J’en avais marre de cacher ce mal-être, et de me cacher derrière ce masque de “Rayan mec tout à fait banal”. Je n’avais plus envie d’être un lâche ! Pour les membres de ma famille, cela a été le choc de leur vie. Cette révélation a eu l’effet d’une bombe, et j’ai entendu les propos les plus violents et les plus horribles de toute ma vie. Ce n’est qu’après un exil et des années écoulées que notre relation a renoué avec la normalité. L’homosexualité ne se vit clairement pas de la même manière partout. Au Maroc, elle pâtit encore d’images réductrices et caricaturales. L’État et la société sont homophobes. L’homosexualité est un délit puni de trois ans d’emprisonnement. Je suis très en colère contre mon pays qui ne respecte pas la Charte des droits de l’homme qu’il a signée, qui ne me permet pas de vivre dans la dignité et me traite comme un citoyen de seconde zone, alors que j’ai les mêmes obligations que les autres. Je sais que l’égalité des droits n’est pas pour bientôt, surtout au sein d’une société largement homophobe et hypocrite, qui n’est pas assez mature intellectuellement pour faire preuve de tolérance et penser à l’être humain qu’est tout homosexuel.
Hind Bariaz, 35 ans, professeur d’anglais
“J’ai le droit d’avorter si je le souhaite”
Mon corps m’appartient et l’avortement est mon droit. Je le dis et je le crie haut et fort, d’autant que je l’ai vécu. J’ai avorté et je ne m’en cache pas. Mon compagnon et moi étions très sereins face à cette décision, que nous avons prise d’un commun accord, car avoir un enfant ne correspondait simplement pas à nos projets et cette grossesse était un “accident”. Nous avons donc réagi en adultes et de manière pragmatique. Notre seul vrai souci était de réunir la somme nécessaire pour avorter, ce qui était loin d’être facile vu le prix de l’opération, et de trouver un médecin qui accepte de le faire. “Il suffit d’écouter les femmes”, affirmait Simone Veil, en 1974, pour défendre au parlement français le projet de loi pour légaliser l’avortement. Des milliers de femmes avortaient clandestinement chaque année à l époque en France, comme elles continuent de le faire au Maroc. Des milliers de femmes subissent ainsi la solitude, la souffrance physique et l’opprobre de toute une société. Simone Veil parlait pour toutes ces femmes qui, dans leur immense majorité, se taisaient. Comme chez nous. II suffit d’écouter les femmes... Mais encore faut-il qu’elles parlent. Aujourd’hui, moi je le fais. Pour toutes celles qui se sont fait avorter. Pour leur détresse. Pour qu’elles n’aient plus à subir cette terrible angoisse et la culpabilité. Pour qu’on ne trouve plus de bébés dans les poubelles. Pour qu’elles ne meurent plus en s’empoisonnant avec des herbes, ou en s’enfonçant des aiguilles à tricoter parce qu’elles n’ont pas trouvé 3000 dirhams pour payer leur avortement chez un médecin. Pour la liberté d’aimer. De vivre. Chez nous, on crie au meurtre dès qu’on parle d’avortement en oubliant vite les milliers d’enfants abandonnés dans la rue. En conclusion, j’aimerais reprendre ce bon mot de Guy Bedos : “Si on écoutait les opposants à l’avortement, on tricoterait des brassières aux spermatozoïdes”.
Zineb El Rhazoui, 31 ans, journaliste
“J’aurais pu épouser un juif”
On s’entend, c’est dans une autre vie que ça aurait pu arriver ! Ou plus justement, dans un autre pays. Au Maroc, il ne suffit pas de s’aimer et de vouloir s’unir pour le meilleur et pour le pire… Le code du statut personnel vient se mêler de la vie des gens, et surtout de leur foi. Quand bien même elle le souhaiterait, il est interdit pour une Marocaine d’épouser un homme de confession non musulmane, même s’il s’agit d’un compatriote. En revanche, un Marocain peut épouser la femme de son choix… Pourtant, cette loi prétendument basée sur les préceptes coraniques contredit clairement le verset 221 de la sourate de la Génisse qui traite de la question du mariage avec les non-musulmans. Ce verset s’adresse indistinctement aux hommes et aux femmes, en leur enjoignant qu’il est “préférable” d’épouser une personne “croyante”. Les juifs sont croyants à ce que je sache ! Pour ma part, j’ai vécu une très belle histoire avec un juif marocain, un homme qui a beaucoup compté pour moi. Je ne suis pas croyante, et l’appartenance religieuse n’entre absolument pas en ligne de compte pour moi lorsqu’il s’agit de choisir mon partenaire. Je peux être bien plus épanouie avec un juif qui partage mes convictions plutôt qu’avec un musulman à qui tout m’opposerait. Si les circonstances n’en avaient pas décidé autrement, j’aurais parfaitement pu l’épouser. C’est interdit au Maroc, mais nous aurions bien trouvé une parade juridique, sans qu’il ne fasse une conversion de complaisance à l’islam, comme l’exige hypocritement la loi. Le film Marock a défrayé la chronique parce qu’il relate l’histoire d’amour d’une adolescente musulmane avec un adolescent juif, pourtant, il ne s’agit pas d’un cas si isolé que l’on pourrait penser. Ce n’est pas non plus un épiphénomène réservé à la jeunesse dorée, il suffit de faire un tour dans les amphithéâtres des universités parisiennes, où nos compatriotes musulmans et juifs se côtoient, pour constater qu’au-delà des clivages communautaires, ces amours extra-canoniques s’épanouissent librement. Certes, les choses se compliquent au moment de rentrer au bercail, mais je connais bien quelques couples, entre Casablanca et Rabat, qui ont adopté pour philosophie de vie la maxime “vivons heureux, vivons cachés”.
Farah Abdelmoumni, 23 ans, étudiante en communication
“Je suis contre le voile”
Récemment, la mère d’une amie m’a dit : “Farah, tu es une fille droite, avec beaucoup de belles choses en toi. Quel dommage que tu ne sois pas mouhtajiba, autrement tu serais la fiancée parfaite pour mon fils…” Au début, j’ai cru qu’elle plaisantait. Et puis, à son air grave, j’ai compris que non. Cette remarque m’a atterrée. Non pas que je sois intéressée par le fameux bachelor, loin de moi cette idée. Mais j’étais triste de prendre conscience que le voile était pour elle un gage de respectabilité et de sérieux. J’ai compris alors pourquoi tant de filles absolument pas pieuses finissent par adopter cet arnachement de dévots. Pour pouvoir décrocher le gros lot, un 3riss digne de ce nom, elles essaient, en désespoir de cause, d’appliquer à la lettre le cahier des charges de la parfaite candidate au mariage. Un cahier des charges dicté par une société machiste et patriarcale, dont le seul souci est de donner des garanties, même illusoires, sur la pureté de la future mariée. Et cela passe de plus en plus par le voile. Mais ces filles qui se voilent se condamnent et condamnent la société marocaine à rester emprisonnée dans ses carcans conservateurs, rétrogrades. Taha Hussein a écrit : “Seules des femmes émancipées donneront des générations d’hommes libres”. Au Maroc, nos femmes sont loin d’être émancipées, au contraire, elles se positionnent en gardiennes du sérail. De mère en fille, en acceptant de se plier à des préceptes -tels que le voile- qui nient leur identité, ce qu’elles sont dans leur essence. Les femmes sont faites de chair et de formes et il n’y a aucune raison de les cacher sous prétexte qu’elles suscitent le désir et l’envie. Car ne nous leurrons pas, ceux qui défendent le voile ont avant tout un problème avec la sexualité. Mais cela, la majorité refuse de le reconnaître.
Porter un voile sur la tête, cacher ma chevelure, occulter tous les attributs qui donnent à voir au monde extérieur que je suis une fille est une aberration à laquelle je refuse de me plier. Certes, je n’ai pas eu à me rebeller contre les miens puisque j’ai grandi dans un milieu où la liberté de conscience a toujours été le maître-mot. Mais tous les jours, lorsque je marche, les cheveux aux vents et le corps dévoilé, je suis harcelée, agressée. Pourquoi devrait-on subir ça en tant que femme ? Et pourquoi, pour avoir la paix, la seule solution serait de porter un zif sur la tête ? Pourquoi ce ne serait pas plutôt aux hommes de changer le regard qu’ils portent sur nous ?
Yasmine Ghallab, 50 ans, professeur de mathémathiques
“J’ai eu un enfant sans être mariée”
Il m’est souvent arrivé de faire des choix de vie jugés peu communs. Et celui d’adopter un enfant, en tant que mère célibataire, a été le plus important. Cette idée a germé doucement avant de céder à une décision qui a été longuement mûrie. Un jour, une amie m’apprend avoir adopté, avec son mari, ses 3 enfants dans un orphelinat de Tanger. J’ai commencé alors à voir le balbutiement de mon projet. Elle me dit tellement de bien de cet endroit que j’ai décidé de m’y rendre. A l’été 2009, alors que je venais d’emménager, j’ai alors décidé de visiter l’orphelinat. J’ai été agréablement surprise et j’ai su tout de suite que c’est de là que j’allais adopter. Les enfants y étaient bien portants et bien traités, par une équipe remarquable. En mai 2010, j’ai alors fixé un rendez-vous pour m’inscrire en liste d’attente. Je pensais que cela prendrait 2 mois et me permettrait de me préparer. Je venais à peine de rentrer auprès de la directrice qu’elle demandait déjà à son assistant de lui amener un bébé de 3 semaines, arrivé peu avant ma prise de rendez-vous. Je reçus ce petit bébé dans les bras, tout à fait surprise de la tournure des évènements, précipités et inattendus. La directrice m’expliquait que, grâce à la Kafala provisoire, je pourrais avoir l’enfant dans 15 jours. Je suis sortie du bureau avec le bébé endormi dans mes bras mais sans avoir pu dire un mot. J’ai passé le week-end à l’orphelinat et l’ai quitté en donnant ma confirmation d’adoption du petit Hadi. Les procédures de la Kafala définitive et de changement de nom (Hadi porte mon nom) ont pris environ une année. Ce projet de vie a fait le tri dans mes relations, entre celles qui m’accompagnent et me soutiennent, et celles qui ne le font pas. J’ai aussi connu d’autres amies, certaines célibataires, d’autres divorcées qui ont fait ce choix pour réaliser leur envie d’adoption. Aujourd’hui, mon fils Hadi a 2 ans. Il est de tempérament gai, marrant et a l’air bien heureux et épanoui. De mon côté, si cette décision a chamboulé ma vie, je suis pleinement heureuse de cet évènement. Pour moi, la famille est essentielle et je veux en donner une à Hadi. Mon prochain projet est d’adopter un autre enfant. Dernièrement, j’ai reçu ma première carte de Fête des mères. La vie est bien belle !
Nizar Bennamate, 26 ans, journaliste
“Je refuse l’idée d’être musulman de naissance”
Certes, nous héritons tous de la religion de nos parents. Mais arrive un moment où chacun doit s’interroger et user de son intelligence pour trancher, faire ses choix. Non, la liberté de conscience n’est pas l’affaire d’une minorité, elle doit être l’affaire de tout le monde. En commençant par les Marocains qui désirent pratiquer leur religion sans la tutelle de l’état fixant la Sunna et le rite malékite comme doctrines officielles, en passant par les salafistes qui puisent dans le wahhabisme, ceux qui souhaitent se convertir à une autre religion, ou encore ceux qui ne veulent appartenir à aucune. Tout le monde est concerné par cette liberté puisqu’elle concerne l’intimité de chacun. Dès que l’on retire aux citoyens la liberté de pratiquer leur religion comme ils l’entendent, ou de n’en pratiquer aucune, la brèche est ouverte à une série d’interprétations aussi diverses que contradictoires de ce que devrait être le fait religieux. La plupart des Marocains ne se reconnaissent ni dans les fatwas d’Al Qaradaoui, ni dans les envolées lyriques de Fizazi, et encore moins dans les décisions du Conseil des ouléma. Les Marocains veulent pratiquer la religion comme leur conscience le leur dicte, sans tutelle aucune. En un mot, avec une autonomie de jugement. Une chose qui m’a toujours marqué : alors que l’alcool est censé être interdit aux musulmans, la majorité de ceux qui le consomment sont musulmans ou réputés comme tels. Quelle relation me diriez-vous ? La reconnaissance de la liberté de conscience ferait que l’état n’interviendrait plus dans la sphère de la spiritualité individuelle (qui relève de la sphère privée). Et donc les lois à vocation publique ne prendront plus en considération l’appartenance religieuse. Sans quoi, elles deviendraient contradictoires avec ce même principe de liberté de conscience. Pour moi, la foi est par définition un choix qui ne doit jamais être fait sous la contrainte. Le fait de ne pas reconnaître cette évidence revient à renier la réalité de l’être humain.
Omar Louzi, 47 ans, consultant en environnement et développement durable
“Je ne suis pas contre l’Etat d’Israël”
Je suis allé en Israël et en Palestine. Et j’ai compris que les peuples israélien et palestinien veulent vivre en paix, et que ce sont les politiciens de tous bords qui perpétuent le conflit. Le drame israélo-palestinien dure car il est basé sur deux visions racistes de ce conflit. Je suis un humaniste, donc je suis pour deux Etats indépendants, souverains. Je suis contre l’extrémisme de Hamas et de celui des Israéliens intégristes. Je milite pour une paix juste et équitable. Je suis toujours choqué quand je vois un enfant, une femme, ou un vieillard tués, qu’ils soient palestiniens ou israéliens. Je considère d’ailleurs que j’ai plus d’affinités culturelles et linguistiques avec les juifs amazighs d’Israël qu’avec les Palestiniens. Nous célébrons les mêmes fêtes, et nous mangeons tous les deux le couscous et le tajine, deux inventions purement amazighes nord-africaines… C’est pour cela que je milite pour qu’ils reviennent dans leur pays d’origine : le Maroc. Je propose que l’Etat d’Israël rende leurs terres aux Palestiniens en contrepartie du rapatriement du million de juifs amazighs qui vivent en Israël. Ces juifs amazighs veulent rentrer au Maroc, retrouver les odeurs, les paysages de leur enfance. Et cela malgré presque 60 ans d’exil. Ils continuent à parler le tamazight avec beaucoup de bonheur. Alors que ceux que j’appelle les panarabistes marocains, qui sont ici depuis quatorze siècles, peinent même à dire “bonjour” en amazigh. C’est une honte ! Oui, je suis anti-panarabiste. Parce que le panarabisme est une idéologie raciste, fasciste, qui repose sur la suprématie de l’homme, de la langue et de la culture arabes. Les Palestiniens n’auront jamais leur indépendance s’ils continuent à lier le conflit avec Israël à leur race arabe. Moi, je ne suis pas arabe ! Alors dois-je être solidaire avec le peuple palestinien ? Moi je dis oui. Mais c’est du fait de ma position humaniste. Tout comme j’ai été solidaire avec Aung San Suu Kyi, l’opposante birmane, ou avec Nelson Mandela. Je dis aux Palestiniens de laisser leur race et leur religion à part, et de mobiliser le monde sur les bases des droits humains et du droit à l’autodétermination qui existent dans les chartes internationales. Le droit international tranchera un jour.
Fatym Layachi, 29 ans, comédienne
“Je refuse de cacher mon corps”
Jamais je ne renierai mon corps. Ce corps que j’ai montré dans mon dernier film, Femme écrite. Non pas par impudeur, non pas par inconscience ou gratuité. Tout le contraire. Le réalisateur Lahcen Zinoun m’a offert un rôle sublime, un rôle de femme, berbère et tatouée. Un rôle qui raconte cette mémoire que l’on efface. Un rôle qui raconte ces histoires qui s’écrivaient dans la chair. Bien sûr, j’ai ma pudeur. J’ai même des complexes par dizaines. Je suis cette fille qui reste en paréo. Et je suis aussi cette fille qui a bien lu dans les magazines comment tricher entre les couleurs et les matières pour cacher ses défauts. Alors, oui, ce n’était pas tout le temps simple de montrer sa chair. Je l’ai fait. Assumant chacun de mes actes devant la caméra, faisant bien plus confiance à mon réalisateur qu’à moi-même. Mon corps vit. Me fait vivre. Me fait ressentir. Me fait être ce que je suis. Ce que je suis. Bien sûr je ne suis pas que ça. Mais bien sûr je suis d’abord ça. Et je ne peux pas être moi si je cache ce que je suis. Oui j’ai un visage. Et en plus j’ai choisi un métier où je le montre. Oui j’ai des lèvres. Et en plus je parle. Je dis ce que je pense et quelques bêtises. Oui j’ai des yeux. Et en plus j’aime bien le khôl et des fois je pleure alors ça coule un peu. Oui je me perche sur hauts talons, juste parce que je trouve ça plus joli. Je suis mes blessures, mes égratignures et mes cicatrices. Je suis mes cheveux et cette frange que je coupe moi-même avec des ciseaux de cuisine sous le regard inquiet de ma copine. Je suis mes bras que j’aimerai bronzés toute l’année. Je suis mes jambes qui malgré la mode n’aiment pas beaucoup les jeans slims. Je suis mes mains et mes pieds dont je prends extrêmement soin car l’assurance se trouve parfois dans l’éclat du vernis à ongles. Et jamais je ne renierai mes veines dans lesquelles coule mon sang. Jamais je ne renierai ma chair sur laquelle j’ai ancré mes rêves de gamine et mes délires d’adolescente. Et que ceux à qui ça ne plait pas baissent les yeux. Car moi je ne les baisserai pas.
Aymane Aouidi, 23 ans, militant associatif
“Je suis contre le Makhzen”
Avec l’avènement du Printemps de la jeunesse marocaine, une jeunesse qui rêve d’un Maroc où règne la liberté et la justice sociale, je ne peux que constater que le principal verrou au progrès de notre pays c’est la mafia makhzénienne. Comment accepter que le Maroc —qui possède d’importantes réserves de phosphates et des terres agricoles très fertiles— soit plongé dans de telles difficultés économiques ? Malgré toutes ces richesses, nous constatons que des milliards sont gaspillés dans des affaires de corruption, que le taux de pauvreté reste très élevé et qu’une grande partie de la population rurale est privée du service public le plus élémentaire, comme l’eau, l’électricité et l’école. En outre, nous faisons face à un chômage endémique, dont le taux ne cesse d’augmenter. Ceci signifie que le Makhzen mène une politique discriminatoire en matière d’embauche, qui n’est que le résultat d’un système d’enseignement inégalitaire. Le Makhzen, dans ce qu’il a de plus archaïque, a répliqué par une politique répressive, violente, aux mouvements sociaux. Au lieu d’accéder aux revendications légitimes du peuple, il oppose la loi du bâton. En ce qui concerne l’exercice de la politique dans notre pays, si l’on n’est pas approuvé par le Makhzen, autrement, si l’on n’est pas un chantre du pouvoir, il ne faut pas rêver de se faire une place. C’est le Makhzen qui supervise les élections de façade, comme cela a été le cas pour la Constitution taillée à sa mesure. Pour toutes ces raisons, je pense qu’il faut isoler le Makhzen en continuant la lutte pour une constitution démocratique et pour qu’enfin cesse l’impunité de ceux qui ont commis des crimes politiques et économiques.