vendredi 16 mars 2012

Springsteen a toujours la rage


A 62 ans, le rockeur américain revient aujourd’hui avec « Wrecking Ball », 17e album furieux, où il défend la cause des Américains touchés par la crise.

EMMANUEL MAROLLE | Publié le 05.03.2012, 15h16

Sur son nouvel album, Bruce Springsteen égrène 11 titres rock où il s’indigne face à une Amérique à deux vitesses.

Sur son nouvel album, Bruce Springsteen égrène 11 titres rock où il s’indigne face à une Amérique à deux vitesses. | (danny clinch.)

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Le Boss revient et il n’est pas content. Sur la pochette de « Wrecking Ball », qui sort aujourd’hui, est armé d’une guitare. « Cette machine tue les fascistes », avait écrit sur son instrument Woody Guthrie, l’un de ses inspirateurs. La sienne a l’intention de flinguer les traders, les flambeurs de , qui ont ruiné l’Amérique, la vraie, celle des sans-grade, des petites gens qu’il défend depuis quatre décennies. 
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Mais, à 62 ans, le rockeur du New Jersey ne joue pas les Terminator, plutôt les Robin des Bois de cette Amérique d’en bas, quitte à être dans le paradoxe. On se souvient d’un cachet de plus de 1 M€ lors de son passage au festival des Vieilles Charrues en 2009.

Et, lors de sa récente visite à , le monde du disque semblait loin d’être en crise. Ce jour-là, la centaine de journalistes européens présents a d’abord rendez-vous dans les locaux parisiens de son label Sony Music. Puis la petite colonie monte dans des bus à la destination mystérieuse, pour rouler quelques kilomètres et arriver au Théâtre Marigny sur les Champs-Elysées.

Là, petits-fours et champagne font patienter l’assistance avant de découvrir les 11 titres de « Wrecking Ball », soit une petite heure de rock rageur. Pourtant, c’est un Bruce Springsteen doux comme un agneau qui débarque sur scène, souriant, bavard, au côté d’Antoine de Caunes, pour évoquer ce 17e album. Un disque écrit après « l’énorme crise de 2008 où les gens ont perdu leurs biens, leurs maisons, explique-t-il. Personne n’a été désigné comme responsable, n’est allé en prison. Et personne non plus n’a occupé Wall Street pour protester ».

Alors, le Boss se retrousse les manches et vomit sa haine de cette Amérique à deux vitesses. « Les banquiers grossissent, les travailleurs maigrissent », chante-t-il dans « Jack of all Trades », où il ajoute : « Si j’avais une arme, je trouverais ces salauds et les tuerais à bout portant. »

Bruce le justicier est toujours là quand on l’appelle. « Nous avons besoin de toi », lui avait lancé un inconnu sur un parking du New Jersey quelques mois après le 11 Septembre. Springsteen avait alors enregistré « The Rising » en 2002, disque destiné à réveiller un pays groggy, comme il l’avait fait en 1984 avec « Born in the USA », portrait d’un pays alors pas encore remis du Viêt Nam et étouffé par l’ultralibéralisme des années Reagan.

« Ma démarche a toujours été de trouver la bonne distance entre le rêve américain et la réalité », poursuit-il, assis sur un tabouret de bar. Les idéaux de l’Oncle Sam ont du plomb dans l’aile ces jours-ci, mais Springsteen y croit encore. « Laisse derrière toi les chagrins, laisse ce jour être le dernier, demain se lèvera, et toute cette noirceur aura disparu », promet le rockeur dans « Land of Hope and Dreams ». « On prend soin de nous, peu importe de quel côté vole le drapeau », répète-t-il à l’infini dans son excellent single « We Take Care of our Own ». Une déclaration patriotique aux yeux de certains républicains, prêts à récupérer la star pour l’utiliser contre Obama, comme une volonté de changement à quelques mois de la présidentielle. « Je n’y peux rien si c’est mal interprété, il y a un sentiment patriotique sous-jacent dans mes chansons, mais c’est un patriotisme très critique. »

S’il réaffirme son soutien à Barack Obama, il ne s’impliquera pas dans la campagne comme en 2008. « Le président a fait beaucoup, confie-t-il cependant. Il a sauvé General Motors, fait voter la loi sur l’assurance maladie, a tué Ben Laden, mais il s’est montré plus favorable aux entreprises qu’aux ouvriers. » Barack Obama ne lui en veut pas. Il cite dans ses chansons préférées du moment le nouveau Springsteen. Une façon d’être un Américain comme les autres.
Le Parisien