mercredi 25 janvier 2012

Ils ont quitté la Grèce pour travailler en France


Ils ont quitté la Grèce pour travailler en France
De plus en plus d'étudiants grecs quittent leur pays pour venir travailler en France, faute d'emploi.
afp.com/Aris Messinis

Les jeunes grecs sont de plus en plus nombreux à quitter leur pays. Lexpress.fr a rencontré plusieurs d'entre eux à Paris. 

Ce mercredi de janvier, c'est "soirée grecque" au Carmen. La foule se déhanche au rythme de sons orientaux dans ce club parisien (9e) aménagé dans un hôtel particulier du XIXe siècle. L'association "Jeunes Professionnels Grecs de Paris", créée en 2007 pour favoriser les rencontrer entre expatriés, a convié ses 3500 adhérents à partager la traditionnelle "vassilopita", l'équivalent grec de la galette des rois. 
Selon Christina Mavridis, la présidente de l'association le nombre de ses compatriotes arrivés en France pour trouver du travail a fortement augmenté entre juin et novembre dernier. Elle a beau leur dire que ce pays est loin d'être un eldorado par les temps qui courent, rien n'y fait: les candidats à l'exil ne voient vraiment pas d'avenir en Grèce, où le taux de chômage chez les moins de 25 ans a atteint 46% en octobre contre 22% trois ans plus tôt. Même les diplômés ne sont pas épargnés: 9,5% des titulaires d'un Master ou d'un doctorat étaient au chômage au dernier trimestre de 2011. 
L'élite quitte le pays
L'exode actuel est différent de celui des années 1960. A l'époque, seule la main d'oeuvre peu qualifiée émigrait. Cette fois, c'est l'élite qui quitte le pays. Entre mai 2009 et février 2010, 9% des jeunes diplômés étaient partis travailler à l'étranger selon le professeur Lois Lambrianidis, économiste et géographe à l'université de Salonique. Depuis, la fuite des cerveau n'a cessé de s'accentuer. 
Ce soir-là, au Carmen, quatre jeunes bavardent au bar. Ilias, 28 ans, raconte être venu initialement en France afin de suivre un master. Mais dès qu'il a trouvé un emploi d'ingénieur, il s'est installé sans même prospecter dans son pays, dont la situation lui paraît "catastrophique". Christina, elle, réside en France depuis un an et demi. Embauchée par une compagnie pétrolière, cette jeune fille de 26 ans compte bien poursuivre l'expérience. "De toute façon, précise-t-elle, je ne pouvais pas trouver d'emploi en Grèce dans ce secteur". 
"Le pays forme des élites mais les fait fuir..."
Autre cas: celui d'Elena, qui a intégré un cabinet d'architectes dans la capitale il y a quatre mois. "J'avais commencé à travailler au pays, confie-t-elle, mais il n'y avait pas beaucoup de commandes, et j'étais mal payée". Pourquoi choisir la France? "J'avais des amis ici, poursuit Elena, ils m'ont aidé à m'installer. Et Paris m'attirait justement pour sa richesse architecturale". Quant à Ioanna, 23 ans, elle a débarqué en novembre. Diplômée en informatique, elle n'a pas eu de mal à trouver un poste bien rémunéré. "J'avais déjà fait un stage l'été dernier dans une entreprise française, qui avait promis de m'embaucher mais elle a fait faillite. J'ai donc cherché d'autres annonces sur Internet, j'ai postulé et j'ai été engagée comme informaticienne dans un organisme européen, ELDA". Louant la "qualité de vie" à la française, Ioanna assure que les salaires sont "plus élevés" et le système de santé " bien meilleur " que dans son pays. 
Tous admettent que la Grèce leur manque "de temps en temps"... Ioanna pense à sa famille, à ses amis, à la "vie nocturne" athénienne. Ilias tente, lui, de faire venir sa copine en France. "Elle est prof de Grec donc c'est un peu compliqué de trouver du boulot ici", regrette-t-il. Le jeune homme n'a pas encore fait une croix sur un éventuel retour: "J'ai envie de retourner un jour vivre dans mon pays mais pas pour le moment, après la crise...". Dans les faits, seul 16% des diplômés grecs ayant travaillé à l'étranger sont revenus ces dernières années, d'après l'étude de Lois Lambrianidis. Maria Katsounaki, éditorialiste du quotidien conservateur Kathimerini, pointait ce phénomène dans un article du 7 janvier: "Plus la récession s'aggrave, moins les perspectives de retour s'améliorent. Mais la décision de chaque individu se répercute sur toute la société". A longe terme, l'exode des jeunes les plus qualifiés menace en effet une éventuelle relance économique. Christina Mavridis, l'organisatrice de la soirée au Carmen, aboutit au même constat: "le pays forme des élites mais les fait fuir..."